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12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 17:51

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New-York, de l'argent, un appartement cosy (certes, on s'attend à y voir Hal de "2001 Odyssée de l'espace"). Et dans de sales draps, Brandon. Brandon, un mec vide, une entité composée de chair et de sang, mais rongée par une addiction. Dans la tête de ce (non) héros, une seule et même idée : sexe, baise, masturbation. Brandon ne s'aime visiblement pas, mais il n'y peut rien. Ce mensonge, à lui-même mais aussi au monde extérieur (il donne bien le change dans le monde extérieur, mais quelque peu aseptisé et déconnecté que semble être son job, visiblement dans la finance), il en souffre. Mais c'est aussi un pilier, un fidèle ami, pour celui qui n'a rien d'autre à se rattraper. Pas de petite amie, pas de famille, pas de vrais amis : la vie de Brandon est blanche et clean comme son appartement, sordide comme ses séances de masturbation compulsive, en tête-à-tête avec lui-même, quand il ne fait pas venir une prostituée pour un "service" à domicile. Puis un jour, tout vacille : voilà la soeur, Sissy, paumée dans son coeur et sa tête, qui débarque. Plus ou moins à l'improviste : de toute façon, Brandon s'en fout pas mal.

 

Tout ça est bien triste, et tous les personnages portent en eux des espèces de gouffres affectifs béants, un mal-être que tout tout exorcisme onaniste ne peut évacuer. Rien n'est stable chez Brandon et Sissy, le frère et a soeur forment une barque à la dérive et dont on suit l'inexorable éloignement de tout. Etranger au sentiment amoureux, Brandon se consume et ne peut apporter de soutien à sa soeur perdue dans les méandres de ses aspirations et espoirs un brin pathétiques. 

 

Il fallait avoir une certaine maîtrise pour rendre le climat en images et en son. A la réalisation, Steve McQueen esthétise la pathologie de Brandon et la fragilité de Sissy avec une évidence remarquable. Après "Hunger", le cinéaste bénéficie d'un "beau" sujet, qu'il traite avec une froideur presque clinique, qui rentre ainsi en résonnance avec le vide qui habite les protagonistes. Peu d'esbrouffe donc, mais il y a un sens du détail, du décor qui est admirable : ciel gris qui contraste avec des lieux parfois spectaculaires (l'hôtel où les chambres ne sont que des grandes baies vitrées), lumières tamisées partout sauf dans l'appartement glacial de Brandon, tout semble étouffer les êtres (les bureaux sont plongés dans une quasi-pénombre !), et enfin une maîtrise de la chromie remarquable (le plan-séquence du footing de Brandon est somptueux). Mais le plus important est sans doute l'incroyable présence des deux acteurs.

 

Michael Fassbender habite littéralement son personnage, tout en violence envers soi-même contenue, prêt à dégoupiller, mais incapable de renouer avec la réalité. Il a cette façon présente, physique d'être à l'écran, à faire passer un état d'esprit en un mouvement imperceptible, une simple inflexion de la voix ou un regard qui se fait plus acéré. Quant à Carey Mulligan, elle personnifie la fragilité, avec une voix traînante, un teint de porcelaine et un jeu qui laisse transparaître un avenir brillant à cette jeune Anglaise.

 

On peut néanmoins regretter un petit twist scénaristique un brin malvenu à la fin, mais il n'empêche que "Shame" est une mise en scène cruelle et réaliste d'un homme (d'une société ?) à la dérive. Il installe ses protagonistes (acteurs et réalisateurs) comme des valeurs sûres du cinéma d'auteur.

 

Shame, un film de Steve McQueen

Avec Michael Fassbender et Carey Mulligan

 

 

 

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 15:29

Le réalisateur Nanni Moretti s'est attaqué à un sujet fort pour son dernier film. L'histoire prend en effet place au Vatican, à la mort d'un pape. Se pose alors la cruciale question de son remplacement, pour lequel on ne peut pas dire que les candidats se battent... Finalement, un élu est désigné : ce n'était visiblement pas le favori des bookmakers (vous ne saviez pas que l'on pouvait parier sur ce genre de choses ? Moi non plus...

 

Toujours est-il que c'est le cardinal Melville qui est choisi. Et ça ne l'enchante guère, tant et si bien que le néo-pape refuse d'aller se montrer à la fenêtre du Vatican devant les fidèles qui se massent. Il faut faire quelque chose : un psychologue est détaché au Vatican pour sonder les motivations du refus.

 

Et Nanni Moretti (par ailleurs extrêmement convaincant en psychologue) construit le film en deux couleurs, qui se marient fort bien par ailleurs. D'un côté, il y a l'institution, le Vatican mais au-delà l'Eglise Catholique, qui vacille, et dont les membres, pour dédiés à Dieu qu'ils sont, n'en restent pas moins humains. Alors, on complote, on esquive, mais on a aussi peur des responsabilités, effrayantes, de représenter une figure si importante. Alors, quand le cardinal Melville fuit, c'est le branle-bas de combat, mais tout le monde s'applique à esquiver le problème.

 

Mais le fuyard, lui, n'a de cesse d'osciller : la peur de décevoir, la peur de ne pas servir à sa hauteur le Seigneur, le regard sur sa vie passée et future sont autant d'éléments qui torturent notre cardinal. Et soyons francs : Michel Piccoli traduit mieux que personne les tourments qui habitent cet homme, qui ne sait plus s'il a fait assez, s'il peut faire plus, s'il le fait bien. Cette introspection peut trouver un écho en chacun : on parle d'un homme avant tout, avec ses forces et ses faiblesses. Nanni Moretti capte avec beaucoup de tendresse et d'humanité le cheminement de cet homme, bien décidé à être lui avant toute autre chose. On ressort alors du film avec une petite forme de mélancolie, mais aussi un peu de vague à l'âme et d'optimisme : le ressort qui est en nous ne demande qu'à fonctionner.

 

Un film de Nanni Moretti, avec Michel Piccoli

 

http://www.cinemovies.fr/images/data/affiches/2011/habemus-papam-21213-2076412022.jpg

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